Description
La présente collection se compose de 12 photographies réalisées par Pascal Lévy et 6 par O. de Cazanove pendant l'été 2018 sur le chantier archéologique de Civita di Tricarico dirigé par Olivier de Cazanove même (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Stéphane Bourdin (Université Lumière Lyon 2).
Civita di Tricarico, avec ses 47 ha, est le site d’habitat le plus étendu qu’on connaisse en Lucanie interne. Il est défendu par trois enceintes, mais l’enceinte intermédiaire, rectiligne et scandée de tours sur une partie de son parcours, est probablement datable de la deuxième guerre punique. Les deux autres enceintes pourraient remonter au début de la vie du site, dans la première moité du IVe s. av. J.-C.
L’agglomération antique s’organise en quartiers distincts, orientés de manière à peu près constante le long d’axes de circulation NO-SE. L’image combinée que permettent d’obtenir la fouille, la photointerprétation de certains clichés aériens et la prospection géophysique fait apparaître à la fois un tissu construit approximativement orthonormé, avec un type d’habitation récurrent (la « maison à pastas élémentaire »), mais aussi d’amples espaces apparemment vides, peut-être destinés à cultiver et élever au plus proche, intra muros, particulièrement lorsque les campagnes étaient peu sûres. Dans les différents quartiers connus, on ne peut parler d'urbanisme orthogonal régulier, mais pas davantage de croissance anarchique et spontanée. La première phase révèle l'existence de lots presque égaux et donc d’une forme de planification, qui est également prouvée, de manière macroscopique, par la construction des murailles.
On trouve aussi, intra muros, un lieu de culte qui a eu deux phases : la première remonte au IVe s., la deuxième est datable après la 2e guerre punique, à un moment où la plus grande partie du quartier a été abandonnée. De l’autre côté de la rue se trouve un entrepôt.
Le chantier de fouille rentre dans le programme de recherche de l'Ecole française de Rome "
Ignobilia Oppida Lucanorum".
Le programme Ignobilia oppida Lucanorum est en cours depuis 2013. Il résulte d’une collaboration entre l’École Française de Rome et la Surintendance de Basilicate. Le Centre Jean Bérard, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l’UMR 7041 ARSCAN, l’École Normale Supérieure figurent aussi parmi les institutions partenaires. Le programme compte quatre axes principaux : la fouille des sites d’habitat de Serra del Cedro et de Civita di Tricarico ; des prospections sur plusieurs communes des provinces de Potenza et de Matera, dans l’actuelle région Basilicate; et l’étude architecturale du sanctuaire de Rossano di Vaglio. Le programme vise en effet à comprendre l’organisation territoriale antique d’un district dont le grand lieu de culte de la déesse Méfitis, près de l’église de la Madonna di Rossano, représente un pôle majeur. Son rayonnement et ses institutions intéressaient vraisemblablement tout le secteur. Pour restituer les logiques d’implantation et de circulation, on s’intéresse aux habitats fortifiés, aux établissements ruraux, aux lieux de culte mineurs, au réseau viaire, aux pistes de transhumance. On utilise pour cela plusieurs outils combinés : la fouille archéologique, mais aussi la prospection pédestre et géophysique, la photographie aérienne, des prélèvements, des modèles numériques insérés dans un SIG. On a également recours au dépouillement de la cartographie, des cadastres anciens et des archives textuelles.
La comparaison entre les deux sites de Civita di Tricarico et Serra del Cedro est instructive à tous égards, par exemple du point de vue du faciès céramique, mais aussi de la forme même du site, et des maisons qui s’y élèvent. Ce sont deux agglomérations vastes, denses, organisées. Il est apparemment d’autant plus surprenant de les trouver à si peu de distance l’une de l’autre. La même chose peut être dite pour le grand site de S. Chirico Nuovo, à 5 km au nord de Civita di Tricarico. Les trois sites ont vécu une partie de leur existence ensemble, sur des territoires cumulant une centaine de km2. On pensait communément que la Lucanie, comme la majeure partie de l’hinterland indigène de la péninsule, était restée à l’écart de l’« Italie des cités », qu’elle n’avait accédé que tard et de manière limitée au fait urbain. Ce modèle, trop simple et linéaire, est désormais remis en question.